Hôpital ! hôpital au bord du canal !
Hôpital au mois de Juillet !
On y fait du feu dans la salle !
Tandis que les transatlantiques sifflent sur le canal !
(Oh ! n’approchez pas des fenêtres !)
Des émigrants traversent un palais !
Je vois un yacht sous la tempête !
Je vois des troupeaux sur tous les navires !
(Il vaut mieux que les fenêtres restent closes,
On est presque à l’abri du dehors.)
On a l’idée d’une serre sur la neige,
On croit célébrer des relevailles un jour d’orage,
On entrevoit des plantes éparses sur une couverture de laine,
Il y a un incendie un jour de soleil,
Et je traverse une forêt pleine de blessés.
Oh ! voici enfin le clair de lune !
Un jet d’eau s’élève au milieu de la salle !
Une troupe de petites filles entrouvre la porte !
J’entrevois des agneaux dans une île de prairies !
Et de belles plantes sur un glacier !
Et des lys dans un vestibule de marbre !
Il y a un festin dans une forêt vierge !
Et une végétation orientale dans une grotte de glace !
Écoutez ! on ouvre les écluses !
Et les transatlantiques agitent l’eau du canal !
Oh ! mais la sœur de charité attisant le feu !
Tous les beaux roseaux verts des berges sont en flamme !
Un bateau de blessés ballotte au clair de lune !
Toutes les filles du roi sont dans une barque sous l’orage !
Et les princesses vont mourir en un champ de ciguës !
Oh ! n’entrouvrez pas les fenêtres !
Écoutez : les transatlantiques sifflent encore à l’horizon !
On empoisonne quelqu’un dans un jardin !
Ils célèbrent une grande fête chez les ennemis !
Il y a des cerfs dans une ville assiégée !
Et une ménagerie au milieu des lys !
Il y a une végétation tropicale au fond d’une houillère !
Un troupeau de brebis traverse un pont de fer !
Et les agneaux de la prairie entrent tristement dans la salle !
Maintenant la sœur de charité allume les lampes,
Elle apporte le repas des malades,
Elle a clos les fenêtres sur le canal,
Et toutes les portes au clair de lune.
Maeterlinck, Maurice, « Hôpital », Serres chaudes, 1889.